Le faiseur de rythmique

© Pierre Thiry

Le faiseur de rythmique avait l’air obstiné d’un artiste entêté. Il tenait à son jeu d’esquives comme un manifestant tient à sa banderole. 

Il n’avait plus beaucoup de clients. La rythmique, c’est ringard. 

Il imaginait toute la journée derrière son comptoir… Il rêvait sur son « contoire à rythmique ». 

Il inventait toute la journée les préludes d’une nouvelle histoire. 

Mais sa boutique de rythmes rêveurs était déserte. Était-ce la fin d’une histoire ? 

Il sentait pourtant des mots se bousculer. Des tourbillons de syllabes venaient s’agglutiner sous son palais dans un ballet poétique. 

Des phrases, nouvelles, voulaient toutes sortir en même temps, mélangées dans cette langue étonnante, dans cette langue impériale, émotive, jamais essoufflée, toujours étonnante. Dans cette langue fatiguée, désuète ou constamment renouvelée.

Il aimait faire résonner cette langue en faiseur de rythmique. 

Sa langue était le français, son français à lui, qui était aussi celui des autres, celui d’une infinité d’autres à travers le monde qui aimait faire rebondir de souffles en rythmes cette langue encore étonnante et chaque jour neuve quoiqu’un peu ancienne (pas très antique mais un peu ancienne toute de même). 

Son prénom aussi était très français. 

C’était son prénom, il s’y était habitué. C’était aussi le prénom de son arrière-grand-père qu’il n’avait pas connu. Mais ils portaient le même prénom, alors il rêvait que cet arrière-grand-père était son ami et qu’il était lui aussi un « rêveur de rythmique ». 

Il était l’un des sept cents millions de francophones. 

Et son cœur battait aussi à d’autres langues. 

Rythmiques belles et diverses, rythmiques de terres cultivées, rythmiques de souffles résonnants, souffles de cœurs généreux. 

Il n’était pas sûr d’être francophobe mais il était sûr d’être francophone. 

Il était sûr d’être bibliophile, il était sûr d’être rythmophile.

Il ne regrettait qu’une chose. 

Les Parisiens ne venaient plus danser sur ses souffles de faiseur de rythmiques. 

Sa danse était oubliée dans le tiroir des paresses gênantes. 

Paresses coûteuses en longs exercices de rythmes de danses. 

Paresses coûteuses en longs entraînements de risques éphémères

Paresses coûteuses en longues hésitations de saveurs d’errances. 

Il n’était pas rentable.

Le faiseur de rythmiques n’offrait rien en « retour sur investissement ». Il offrait juste des instants de générosité. 

Il avait appris à ses débuts à conter ses rythmes, en longs et baroques labyrinthes. 

« Aujourd’hui ça ne sert plus à rien » lui disaient des gens amers qui n’y connaissaient rien. 

Il regrettait ce temps, cet heureux temps où chacune, chacun, venait virevolter sur ses esquisses labyrinthiques. 

Il regrettait l’afflux des imaginations. 

L’imagination des fleurs de Ménilmontant, l’imagination des arbres de Rambouillet, l’imagination des sentiers de Montmartre, l’imagination des poèmes de Ouagadougou.

Il ne connaissait aucun de ces lieux mais il en rêvait, il les arpentait en explorateur, en « faiseur de rythmique. »

Il était loin de Ouagadougou.

Là où résonne ton rire

Rimes pour un livre à venir…

Pierre Thiry toute citation de ce texte doit mentionner ce billet de blog en hyperlien).

 

Tu me dis qu’il faut oublier

Mais je n’oublie pas ton sourire.

Tu me dis qu’il faut tout plier

Mais là où résonne ton rire

 

Il n’y a rien à replier

Que des broussailles, des souvenirs, 

Un arbre un fragile pilier

Du ciel où souffle l’avenir…

 

Parfois l’arbre plie sous le vent.

Parfois il craque pas souvent.

Je ne plie ni ne craque… et toi ?

 

Tu es là tes yeux brillent pétillent

Comme deux étoiles qui scintillent

Dans l’eau d’une flaque sans toit.

Les poupées qui lisent méritent que

chapelier-sansonnet2Les poupées de Confiture de Poème ne sont pas n’importe quelles poupées. Elles lisent des poèmes, et pas n’importe lesquels puisque le Chapelier fou a même lu SANSONNETS UN CYGNE À L’ENVERS. Au lieu d’aller au Festival du film de Cannes, le Chapelier fou lit SANSONNETS UN CYGNE À L’ENVERS à l’heure du thé. C’était déjà ainsi l’an dernier (Cliquez ici), c’est encore le cas cette année. Mais cette année Confiture de Poème a décidé de créer de nombreuses nouvelles poupées pour apporter encore un peu plus de poésie au monde. Confiture de poème attend donc vos soutiens sur le site de financement participatif Kickstarter (cliquez ici).

Ce projet doit absolument être financé avant Samedi 14 mai à 22h30. Les poupées qui lisent méritent que tous les amoureux des livres et de la fantaisie leur apportent un soutien franc et massif. Alors alors chers amis Cliquez et partagez!